LA FIN D’UN LONG FLEUVE TRANQUILLE
Alors que la réglementation concernant l’obligation de vidange évolue pour la 2ème fois en moins de 10 ans, les gestionnaires de centres aquatiques s’apprêtent à revoir leur modèle annuel de fonctionnement vis à vis de la gestion des eaux de baignade.
En 2016, l’arrêté ci-après avait réformé l’obligation de vidange des piscines : arrêté du 7 septembre 2016 modifiant l’arrêté du 7 avril 1981 modifié fixant les dispositions techniques applicables aux piscines par au Journal officiel du 16 septembre 2016.
Etudié durant 2 années avant de sortir, ce texte prévoyait :
- La vidange complète des bassins au moins une fois par an (contre deux depuis 1981).
- Deux exceptions à cette règle : les pataugeoires et bains à remous continuent d’être vidangés au moins deux fois par an.
- L’obligation d’avertir par écrit l’agence régionale de santé au moins quarante-huit heures avant d’effectuer les vidanges périodiques.
- La possibilité pour le préfet, sur proposition du directeur général de l’Agence Régionale de Santé (ARS), de demander la vidange d’un bassin lorsque son état de propreté n’est pas suffisant, lorsque l’eau n’est pas conforme aux normes de qualité ou en présence de toute anomalie entraînant un danger pour la santé des usagers.
L’analyse d’AME Centres Aquatiques :
Dans les faits, un dialogue régulier avec l’ARS de secteur permet de traiter les problèmes ponctuels de qualité d’eau.
Seule l’absence durable d’engagement du gestionnaire face à des analyses non conformes et faisant courir un danger immédiat aux baigneurs (Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Légionnelles…) déclenche une sanction du préfet qui peut prononcer une fermeture d’établissement.
N’attendez pas les 48h qui précèdent votre vidange pour prévenir vos contacts à l’ARS : dans le cadre d’une relation de confiance, le calendrier des périodes de vidange est évoqué pour l’année entière avec votre correspondant à l’Agence Régionale de Santé.
Il est de bon ton de prévenir également son gestionnaire local du réseau d’eau. Votre délestage de centaines de mètres cube d’eau entraîne des conséquences pour ses équipes et le fonctionnement des stations d’épuration.
Rappelons enfin que les eaux de vidange doivent être neutralisés avant de rejoindre le réseau public.
UNE ÉVOLUTION TANT ATTENDUE…
Lors du dernier comité interministériel de la transformation publique ce 23 avril, Gabriel ATTAL a annoncé la suppression de l’obligation de vidange annuelle dans les piscines publiques d’ici fin 2024.
Une décision qui s’inscrit enfin dans une logique de sobriété hydrique et que la France adopte tardivement par rapport à la majeure partie des autres pays européens. Cette disposition était souhaitée de longue date par les représentants nationaux du sport tel que l’UNION Sport & Cycle ou l’ ANDES (Association Nationale des Élus en charge du Sport).
En lien avec le PLAN EAU du gouvernement et la loi Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT), cette annonce devra s’accompagner d’un décret d’application pour entrer en vigueur sur la base d’un contenu précis.
Dans ce contexte, l’impératif de contrôle des eaux de baignade des centres aquatiques ne fera vraisemblablement pas l’objet d’une baisse d’attention de la part des Agences Régionales de Santé.
L’analyse d’AME Centres Aquatiques :
Dans les faits, l’ARS délégue par marché public le contrôle de la qualité des eaux à des laboratoires agréés.
La question qui demeure centrale est celle du taux de chloramines et de chlorures.
Dans les centres aquatiques vieillissants, le renouvellement d’eau reste bien souvent le moyen de se débarrasser de ses résidus chlorés. Or, leurs propriétaires ne pourront pas transformer rapidement leurs installations pour s’adapter à cette nouvelle ère où la conservation longue des eaux de baignade devient la priorité.
A moindre coût, l’exploitant peut miser sur la traditionnelle campagne pédagogique sur l’hygiène des baigneurs. Avec quelques dizaines de milliers d’euros d’investissement, il privilégiera l’installation d’un déchloraminateur pour ses bassins sur-fréquentés.
Mais si les marqueurs chimiques se dégradent au gré des analyses, l’apport d’eau neuve redeviendra vite une malheureuse mais nécessaire solution.
… AUX CONSÉQUENCES INATTENDUES
Cette promesse d’économie d’eau est évidemment une très bonne nouvelle. Au-delà de la préservation de l’« or bleu », l’impact sera significatif pour les finances locales. Selon l’ANDES (Association nationale des élus en charge du sport), cette évolution permettrait à l’avenir de réaliser une économie minimale de 30 millions d’euros par an (soit une économie de 3.000 euros a minima par bassin), en prenant en compte les coûts directs liés à la consommation d’eau, de chauffage et indirects de personnel et perte du chiffre d’affaires.
Cependant, la fin des vidanges n’est pas synonyme de suppression des fermetures techniques et les gestionnaires de centres aquatiques vont devoir remodeler leur calendrier d’exploitation.
L’analyse d’AME Centres Aquatiques :
Les conséquences sont en réalité plus complexes.
Car la vidange des bassins n’a jamais été l’unique raison qui motivait la fermeture aux publics de ces équipements mastodontes.
Ces arrêts techniques sont l’occasion de programmer les opérations lourdes de maintenance (curative et préventive), de procéder à un nettoyage profond et complet de l’établissement.
Ils sont également une pause salutaire pour les équipes qui font face habituellement au public en permanence. Les Maîtres-Nageurs-Sauveteurs et les agents d’accueil profitent bien souvent de ces périodes pour travailler en mode collaboratif sur des projets de fond ou purger les tâches… que l’on n’a pas le temps de traiter en mode exploitation.
Enfin, les gestionnaires savent que ces blocs de semaines identifiés sur le planning annuel sont une soupape bienvenue pour la régulation des congés ou de l’annualisation des agents.